LA MICHELADE (3)

LA  MICHELADE  (3)  

 

Les causes de la Réforme furent multiples : la corruption du clergé, ses richesses, le peu de zèle qu'il mettait 

à instruire les fidèles en furent les principales. Dans le Midi de la France, l'évêque de Montauban et celui 

d'Uzès se marient ; une partie de leur chapitre les suit. L'évêque de Montpellier meurt à temps, et ne laisse 

peser qu’un faible soupçon sur sa mémoire. 

 

Les fidèles avides d'entendre la parole de Dieu, qui, depuis quelque temps, ne leur était pas annoncée, 

suivirent les  prédicants. Ceux-ci ne trouvèrent, en effet, contre eux ni science ni vertu. 

 

Ajoutez à ces causes le cri poussé par Calvin contre la propriété ecclésiastique et vous aurez l'explication de la 

diffusion du  protestantisme. 

 

A Gaillac, comme dans la France, ceux qui s'étaient donné l'autorité pour réformer le clergé furent « les plus 

riches et plus apparents, comme magistrats, gens de justice, bourgeois et marchands, peu de gens de métier et 

laboureurs. » 

 

Au nombre de cent cinquante, non compris les femmes, ils appellent dans leur ville, Salicet, ministre à 

Rabastens. Il vint, et, pour mieux appuyer l'autorité de sa parole, il se fit accompagner par une douzaine de 

soldats. 

 

Le nouvel apôtre descendit chez Pierre Vitalis, avocat. Cette maison fut le lieu où il prêcha contre le Pape, les 

cardinaux et les prêtres, et où il fit les premiers exercices de la nouvelle religion sous la garde des soldats qu'il 

avait amenés. 

 

« Ils avaient mis bonne garde de soldats aux portes... même il y avait quelques débordés écoliers de Toulouse, 

armés de cottes de mailles, portant épée à deux mains. Cette nouvelle façon de faire mit une telle crainte à 

ceux des habitants catholiques de ladite ville qu'ils n'osèrent dire mot ni passer par la rue en laquelle était 

ladite maison. » 

 

Ce recours à la force brutale dans une ville jusque-là paisible, ces appels incessants « à tenir pour ennemis de 

 

Dieu tous les papauts et leur faire guerre », ces blasphèmes contre la croyance de l'immense majorité, ces 

soldats placés aux portes, ces « écoliers débordés » annonçaient l'heure des guerres civiles. 

 

En attendant, sans être combattue par personne, la Réforme s'est installée à Gaillac. Salicet qui était venu y 

détruire l'influence du clergé et combattre  sa richesse, y trouva « de bons gages pour son entreténement » et y 

resta. 

 

Au bout d'une quinzaine de jours, les disciples du ministre, «lui content, firent ouverture au derrière qui 

répond sur le cloître de l'église Saint-Pierre et Saint André, par laquelle ils entrèrent dans ladite église, sans 

que personne s'en prit garde, jusqu'à ce qu'étant montés sur le haut clocher, ils commencèrent à faire force 

bruit et tintamare, sonner tocsin, criant : Ville gagnée ; tirant à travers la ville plusieurs arquebusades, ce qu'ils 

continuèrent jusqu'au jour, sans que les pauvres habitants catholiques osassent sortir de leurs maisons, ni 

même ouvrir les fenêtres d'icelles pour voir que c'était. » 

 

A la pointe du jour, prêtres et fidèles accourent à l'église dont l'entrée leur est interdite « avec coups  et 

injures ». Les principaux d'entre eux s'assemblent et vont porter plainte à l'un des consuls. Celui-ci, «  faisant 

semblant d'être bien marry de ce qu'avait été fait, prit son chaperon et s'en alla en ladite église, accompagné de 

M. le procureur du Roi et d'autres, pour voir et vérifier le trou par lequel on était entré » et aussi pour 

reconnaître ce qui aurait été déplacé et dérobé. 

 

L'entrée de l'église fut accordée au consul et à ceux qui l'accompagnaient. Ils y pénétrèrent et virent « au- 

dedans plusieurs des habitants de la ville, même de leurs parents, ayant et tenant les armes aux mains comme 

tout prêts à combattre ». Les envahisseurs étaient occupés à rompre, briser, mettre en pièces avec des cognées 

et des marteaux les sièges, chaises de chœur, pupitres, et surtout « les bien saintes images ». Les catholiques 

versaient des larmes, les huguenots ne cessaient de poursuivre leur œuvre dévastatrice malgré la présence du 

consul. 

 

Raymond de Paulhe, commandeur en l'église Saint-Pierre, reprocha au consul de souffrir qu'en sa présence, 

des hommes, étrangers pour la plupart, souillent et démolissent ce qu'il y avait de plus saint dans la ville. 

 

Le consul ne tint nul compte de ces remontrances. Partisan des idées nouvelles, il fit appeler le ministre, fit 

fermer les portes, et obligea les catholiques présents, qu'ils le voulussent ou non, à ouïr le prêche. C'était la 

première fois qu'il prêchait en public. 

 

L'édit de janvier vint rendre aux catholiques leur église. Les huguenots l'observèrent et allèrent faire leurs 

prêches dans une grange; « mais plus tôt, ils égratignèrent, ruinèrent et abattirent toutes les images tant de 

relief bosse que plate peinture » ; profanèrent « une belle image de Notre Dame de Pitié » qui était dans une 

chapelle attenant à la grande porte ; coururent ensuite tout armés à l'église Saint-Michel « et trouvant la porte 

bien fermée y mirent le feu, et étant entrés dedans commençaient à se charger de nappes et tapis et 

devant-d'autels qu'étaient de belle étoffe et commençaient d'abattre et ruiner les images quand ils entendirent 

le tocsin qui se fit si raide qu'il fit mettre tous en armes les habitants du château de l'Olm. » 

 

Les huguenots prennent peur et fuient. Cette même nuit « ne pouvant dormir ni trouver repos », ils allèrent au 

cimetière abattre une fort belle croix ; de là à l'église de la Madeleine située en dehors de la ville, dont ils 

brûlent les portes, et s'emparent de tout ce qui s'y trouve. 

 

A ces moyens de propagande par la violence, ils joignirent le colportage des livres « bien reliés et 

accommodés, composés et faits par Calvin ». Un jour de marché, un libraire en exposa. Les catholiques 

avertirent M. de Manso, consul catholique, qui se rendit sur les lieux, et fit saisir le colporteur et sa 

marchandise, non sans difficulté. Il y a tumulte et grand bruit : beaucoup de curieux arrivent. Les Réformés, 

au courant de ce qui devait arriver, accoururent armés, et « ayant dégainé leurs épées, s'adressèrent 

furieusement audit consul syndic et autres catholiques ». Ceux-ci se mirent aussitôt en défense ; il y eut des 

blessés de part et d'autre : le colporteur se sauva. Les huguenots « voyant que là ne faisait pas trop bon, 

entendant sonner le tocsin se retirèrent et perdirent parmi tavernes et cabarets. 

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