LA MICHELADE (4)

LA  MICHELADE  (4)  

 

C'est surtout contre les prêtres et les religieux que les huguenots activaient la haine du peuple. 

 

Le jour de la Quinquagésime, à Gaillac, ils firent un mannequin qui représentait un prêtre revêtu de ses 

ornements pour aller célébrer la messe. « Cela était rempli de foin, et au devant et au derrière, sur du papier, 

en grosses lettres, tels mots : Ainsi sera fait à tous prêtres qui ne voudront se marier et vivre comme on vit à 

Genève.». Chaque jour, pendant le Carême de cette année, « ils firent des mascarades et momeries en dérision 

et mépris des prêtres, moines et autres ecclésiastiques ». La nuit, ils posaient des placards aux portes des 

églises contre les catholiques et parcouraient les rues, proférant des menaces et chantant des chansons. 

 

Ces vexations à l'adresse des catholiques entretenaient la haine et la division. Là comme ailleurs, les 

huguenots étaient la minorité, minorité entreprenante et hardie, mais sentant sa faiblesse si jamais les 

catholiques poussés à bout s'avisaient de riposter coup pour coup, vexation pour vexation : il fallait recruter 

des adeptes de gré ou de force. 

 

Un jour, les consuls se rendent à la maison commune, et, comme s'ils voulaient délibérer des affaires de la 

ville, ils y invitent le syndic et les autres catholiques. Ceux-ci arrivent sans méfiance. Dès qu'ils sont entrés, 

un de la religion ferme la porte et annonce qu'on va dire les prières. Le diacre Barren commence : refus des 

catholiques qui veulent sortir ; on leur ordonne de rester à peine de l'amende. 

 

Devant cette pression, ils se révoltent, se mettent aux fenêtres de la maison commune, et, à haute voix, 

chantent les litanies. Au dehors, les marchands et les passants rient, disant qu'ils avaient perdu l'entendement ; 

au dedans, les huguenots leur commandent de se taire ; il y a des injures lancées ; on va même en arriver à une 

lutte à coups  de pieds et de poings, n'ayant d'autres armes. 

 

Pour tromper encore mieux les catholiques et recruter des adeptes, les huguenots font venir un prédicateur 

pour prêcher le Carême. C'est un moine augustin apostat, nommé Sesquières. Il porte l'habit de son ordre pour 

cacher son apostasie. 

 

Les catholiques « pour si rudes, simples et péu entendus qu'ils fussent », comprenaient pourtant que ce moine 

ne leur enseignait pas la vraie religion. Il y eut bien quelques murmures, mais ils eurent la patience de 

l'écouter jusqu'à la fin du Carême. 

 

Suivant la coutume, le jour de Pâques, Sesquières alla prêcher dans l'église Saint-Jean de Tartage. Au lieu 

d'enseigner la doctrine catholique sur le Purgatoire, il dit que c'était une invention des prêtres « pour mieux 

faire bouillir leur marmite», Les auditeurs se mutinent et crient, font du tumulte et menacent de le dénoncer au 

cardinal Strozzi, évêque d’Albi. Sesquières promet alors de s'amender. 

Le lendemain, nouveau sermon dans la même église: les catholiques arrivent nombreux pour être témoins de 

la rétractation du moine ; les huguenots aussi, pour lui donner du courage. Leur arrivée provoqua du trouble et 

du tumulte : tue ! tue ! criaient-ils, et déjà quelques-uns s'apprêtaient à entrer dans l'église à cheval, l'épée nue 

et le pistolet au poing. Les catholiques fermèrent les portes, et, saisissant leurs armes, se mirent en défense ; 

les religionnaires se retirèrent et, en partant, blessèrent quelques laboureurs et vignerons. 

 

Toujours provoqués, toujours patients, les catholiques en appelèrent à la justice. Ils s'adressèrent aux Consuls 

et aux magistrats : « Allez, idolâtres, cafards, leur fut-il répondu, qu'avancez-vous de vous plaindre si tôt. On 

ne fait que commencer le jeu : le temps vient et est bien près que l'ancienne Babel sera détruite ». 

 

Ce fut là toute la justice qu'ils purent obtenir : le mécontentement entra dans leur cœur. 

 

Les Réformés, sûrs de leur impunité, se montrèrent plus insolents : ils voulurent interdire le son de l'angélus et 

la célébration de la messe. 

 

Un jour, même, ils se rendirent à l'église Saint-Michel « ils y trouvèrent résistance et à qui parler ; les 

catholiques, voyant qu'ils ne pouvaient compter que sur eux pour la défense de leurs droits, furent prêts à les 

recevoir, les armes à la main ». 

 

Jusqu'ici, il n'y avait eu que des escarmouches, quelques horions, quelques blessures. Les huguenots se crurent 

bientôt assez forts pour s'emparer de la ville. Le jour choisi fut le jour de la Pentecôte (17 mai 1562). 

 

Ce jour-là, ils se rendirent maitres de l'église Saint-Pierre et Saint-André, et abandonnèrent la grange où, 

depuis le mois de janvier, ils tenaient leurs assemblées. 

 

Ce même jour, plusieurs se firent recevoir de la nouvelle religion, « non pas comme j'ai ouï dire depuis à 

quelques-uns qui se sont réduits, pour avoir une opinion que la nouvelle religion fut meilleure que l'ancienne, 

mais voyant la grande autorité et puissance que les huguenots avaient ». 

 

Pour donner plus de solennité à cette cérémonie, les Réformés résolurent de tenir une assemblée, en  plein air, 

tapissèrent depuis la porte du Rateau jusqu'à celle du Boulevard, et y dressèrent une chaire. 

 

Le ministre faisait prêter serment à tous de ne plus aller à la messe. Une femme refuse, disant qu'elle aimait 

mieux mourir. Colère du ministre, « la Voix monta au moins quatre tons. Il crie, gesticule, menace tant et si 

 

bien que dans un élancement de son corps, il renversa la chaire, et blessa plusieurs personnes dans sa chute. 

Lui-même « tomba aussi lourdement que la dite chaire pour le moins, se fit un peu plus de mal parce qu'il 

frappa assez rudement la terre de ses deux mains et de son pauvre visage ». 

 

« Sur cette chute, chacun faisait jugement  tel qu'il lui semblait. » Les uns y voyaient un miracle, les autres un 

présage de malheur, les blessés se lamentaient en disant que s'ils avaient été à l'église, la petite colombe qu'on 

faisait passer sur le peuple ce jour-là ne leur eût fait aucun mal, « pas au moins comme ce gros et pesant 

ministre. ». 

 

« Ceux qui étaient huguenots à bon escient » ne voyaient là ni miracle, ni mauvais présage ; si la chaire était 

tombée, c'était qu'elle manquait de solidité. Il n'y avait qu'un remède : s'emparer des églises catholiques qui 

sont solides et possèdent des chaires posées sur de bonnes bases. 

 

L'exécution suivit la résolution. Les huguenots étaient déjà maîtres de l'église Saint-Pierre ; ils vont s'emparer 

de l'église Saint-Michel avec l'abbaye qui la joint. 

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