LA MICHELADE (7)

LA  MICHELADE  (7)  

 

CHAPITRE II 

 

TROUBLES A BEZIERS ET DANS SES ENVIRONS 

 

Les premiers troubles à Béziers pour cause de religion remontent à l'année 1561, sous l'épiscopat du cardinal 

Strozzi, le même que nous avons vu plus haut évêque d'Albi. 

 

Au commencement, les huguenots célébraient les exercices de leur culte dans une île de l'Orb. Personne ne 

venait les y troubler. Peu à peu, là comme ailleurs, ils s'enhardirent, et vinrent tenir leurs assemblées dans la 

ville. Ils étaient devenus aussi nombreux que les catholiques : le nombre leur donnait de l'audace. 

 

Un soir du mois d'août, ils chantaient des psaumes sur la place du marché. Le cardinal leur intima l'ordre de 

cesser. Non seulement ils refusèrent d'obéir, mais ils blessèrent les envoyés de l'évêque. 

 

Celui-ci demanda des soldats au vicomte de Joyeuse pour le protéger. 

 

Le 9 octobre, le vicomte arriva de Narbonne ; mais depuis trois jours le cardinal Strozzi avait été transféré à 

l'évêché d'Albi et avait eu pour successeur Julien de Médicis. 

 

Dès son arrivée, Joyeuse fit arrêter un pasteur, nommé Vives, qui fut emmené en dehors de la ville pour être 

remis aux officiers du Roi. Vives voulut se sauver : un soldat l'étendit raide d'un coup de mousquet. 

A la nouvelle de son arrestation, le lendemain, les bourgeois s'attroupent, et, ignorant sa mort, demandent sa 

mise en liberté. Joyeuse s'avance au devant d'eux, et pour les calmer leur promet le retour du ministre. La 

foule ne se calme pas. Il se réfugie alors à l'évêché, et fait braquer les canons sur la place. Les huguenots se 

dispersent. Pour assurer encore davantage l'ordre, Joyeuse sort en ville, précédé de ses troupes et de  quelques 

bourgeois catholiques. Les religionnaires viennent au-devant ; nouvelle escarmouche : il y a cette fois 

quelques blessés. 

 

C'était la seconde fois que le sang coulait : le premier avait été le sang des catholiques. 

 

Bientôt arriva à Béziers la nouvelle que le prince de Condé avait pris les armes. Son lieutenant dans le 

Languedoc fut Jacques de Crussol, seigneur de Beaudiné, qui fut reconnu comme tel depuis le Rhône jusqu'à 

Béziers. Il lui importait de s'assurer la possession de cette dernière ville. Aussi accourut-il pour prêter main 

forte aux huguenots. 

 

A quelle date précise eut lieu le pillage de la ville ? Si nous en croyons l'auteur de la France Pontificale, 

Fisquet, et Sabatier dans son Histoire de la ville et des évêques de Béziers, les huguenots auraient attendu 

l'arrivée de Beaudiné. Le pillage n'aurait donc commencé que le 6 mai. 

 

Vaissète, au contraire, dit que les religionnaires de Béziers, d'intelligence avec Beaudiné, se rendirent maîtres 

des portes de la ville, pillèrent treize ou quatorze églises, le dimanche 3 mai, et appelèrent ensuite Beaudiné 

dans leur ville. 

 

Sur ce point, le savant historien de Languedoc a raison. L'enquête, ordonnée après la paix par le vicomte de 

Joyeuse, fixe au 3 mai 1562 le commencement de l'émeute et semble indiquer même que le pillage des églises 

était un fait accompli, quand Beaudiné, accompagné des barons de Monpeyroux et de Faugères, pénétra dans 

la ville avec 1200 hommes. La question de date qui paraît secondaire a pourtant ici son importance. Les 

huguenots de Béziers auraient prémédité le coup, et auraient pris leurs précautions pour rester maîtres de la 

place sans le concours de Jacques de Crussol. 

 

C'est ce que fait ressortir la déposition du  premier témoin entendu à l'enquête, Etienne Daniel. Il nous 

apprend, en effet, que le 3 mai, jour de la sédition, les chefs étaient accompagnés de quatre à cinq cents 

hommes « tant de la dite ville qu'étrangers ». 

 

Donc, le 3 mai 1562, Gasparet et Coudrouniac, suivis de quatre à cinq cents hommes, se rendent à l'église 

Saint-Nazaire et y pénètrent malgré la résistance qu'opposèrent douze bénéficiers et un chanoine. 

Alors commence le pillage : calices, patènes, croix, vases sacrés, reliquaires, tout le trésor de l'église qu'on n'a 

pu enlever, est déclaré de bonne prise ; les statues des saints sont brisées ; les images lacérées, les tombeaux 

des évêques et de la princesse Jeanne de France renversés. 

 

Les églises de Saint-Nazaire, de Saint-Aphrodise, de Saint-Jacques, de Saint-Félix, de Sainte-Madeleine 

reçoivent successivement la visite de ces nouveaux vandales : ornements d'église, chapes de drap d'or, de 

velours ou de soie de grande valeur et estimation, un grand nombre de tabliers d'or et d'argent, le rétable de 

Saint-Nazaire en argent doré, «  rempli de pierres précieuses, fait à grands personnages d'argent relevés qu'à 

présent il ne se saurait faire ni estimer », dons de la foi et de la piété des ancêtres, manifestations de l'art 

catholique, tombèrent au pouvoir des fils de Calvin. 

 

Le tombeau de saint Géraud est profané, mis en pièces ; ses reliques dispersées ainsi que celles de saint 

Aphrodise. 

 

Quand ils eurent achevé cette œuvre dévastatrice, pillé, brisé, démoli, ils traînèrent les saintes images et les 

croix, les ornements sacrés, partie à la place de la Carteirade, où on exécutait les criminels, partie à la place 

publique, et y firent un grand feu a en dérision et moquerie de Dieu, des saints et de la sainte église. » 

 

Ils mirent le comble à leurs profanations en transformant les églises en écuries : les soldats donnèrent à 

manger l'avoine à leurs chevaux sur les autels dépouillés. 

 

Pendant que de pareils sacrilèges s'accomplissaient, le sang coulait dans la ville, et les citoyens durent prendre 

le chemin de l'exil : plus de cent bourgeois furent égorgés après avoir vu leurs maisons pillées, leurs femmes 

souillées, leurs filles violées. 

 

Les couvents ont le sort des églises : dévastations, profanations, souillures. Portes, fenêtres, ferrements, 

toitures sont  enlevés, les meubles volés ; il ne reste que les quatre murs. Religieux et prêtres sont massacrés ou 

emprisonnés : les biens des églises sont confisqués. 

 

Beaudiné qui est entré dans la ville mise au pillage, trône à l'évêché et s'en approprie les revenus. L'évêque est 

taxé à 500 écus ; les chanoines à 400: s'ils ne peuvent payer, en prison. 

 

La belle bibliothèque de Saint-Jacques fut pillée et l'église rasée. 

Bèze dit que plusieurs habitants de Béziers se convertirent alors au protestantisme, de même que toutes les 

religieuses. Nous le croyons sans peine. 

 

Ces ministres de la nouvelle religion aimaient le grand apparat. A Gaillac, nous les avons vus entourés, dès 

l'origine, de soldats et d'écoliers de Toulouse bien armés ; à Béziers, mêmes procédés de persuasion. 

 

Quand les ministres prêchaient, dit un témoin, ils se faisaient accompagner de cent ou deux cents 

soldats armés et « faisaient aller les vrais catholiques auxdits prêches par force et à grands coups de 

bâton ». 

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